CBD, histoire chaotique d’une molécule bien-être

L’ARPP, souvent interrogée par ses membres dans le cadre du conseil avant diffusion, souhaite faire le point sur les produits à base de CBD et leur possibilité d’effectuer des communications publicitaires.

Le CBD et ses usages

CBD est l’abréviation du terme « cannabidiol ». Cette molécule fait partie des nombreux cannabinoïdes présents dans le chanvre, aussi appelé cannabis. A l’inverse de l’actif le plus connu de la plante, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), le CBD « est une autre molécule du chanvre qui n’a pas d’effet stupéfiant », précisait aux Décodeurs du Monde en 2018 Fanny Huboux, chargée de mission juridique pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).

Cette molécule, qui peut être facilement extraite de la plante selon des
procédés éprouvés, procure des effets relaxants distincts de ceux du THC,
cannabinoïde euphorisant et addictif. Elle peut être intégrée dans divers produits de consommation courante (aliments, cosmétiques, huiles, e-liquides, etc.)[1]

Les marques de cosmétiques proposant des soins à base de CBD fleurissent, certaines marques en ont fait leur ADN. Récemment, un célèbre pâtissier a même réalisé un gâteau à base de CBD… la molécule est partout !

La réglementation et la jurisprudence

Le chanvre indien, dont la teneur en substance psychoactive (Tétrahydrocannabinol) est élevée est illégal en France. L’article R.5132-86 du Code de la santé publique interdit « la production, la mise sur le marché, l’emploi et l’usage :

1° Du cannabis, de sa plante et de sa résine, des préparations qui en contiennent ou de celles qui sont obtenues à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ;

2° Des tétrahydrocannabinols, à l’exception du delta 9-tétrahydrocannabinol de synthèse, de leurs esters, éthers, sels ainsi que des sels des dérivés précités et de leurs préparations ».

Le chanvre dit textile, dont les taux en substance psychoactive sont négligeables (moins de 0,2 % de THC), mais dont la teneur en cannabidiol (CBD) molécule aux propriétés thérapeutiques est plus ou moins élevée, est en revanche légal.

En effet, un arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R.5132-86 du Code de la santé publique pour le cannabis, dispose dans son article 1er que : « sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L. répondant aux critères suivants :       

  • la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol de ces variétés n’est pas supérieure à 0,20 %
  • la détermination de la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol et la prise d’échantillons en vue de cette détermination sont effectuées selon la méthode communautaire prévue en annexe ».

L’arrêté n’autorise que la commercialisation des fibres et des graines de la variété de la plante sativa dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,2 %.

Or le CBD de la plante, celui qui est utilisé dans les différents produits, est issu de ses sommités florales et de ses feuilles. C’est ici que les difficultés commencent : la France, première productrice de chanvre en Europe (notamment pour l’isolation), ne peut utiliser les fleurs ou les feuilles de la plante. Celles-ci étant vouées à être détruites.

Vendre une fleur contenant un taux de THC inférieur à 0,2 % est interdit.

Les produits à base de CBD importent donc la molécule extraite des autres pays européens pour réaliser leur préparation et commercialisent ensuite les produits en France.

Par un Arrêt KANAVAPE, lequel a été rendu en novembre 2020 à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Cour d’Appel d’Aix demandant à la CJUE de se prononcer sur le point de savoir si la France pouvait continuer à interdire la commercialisation de e-liquide à base de CBD au motif de santé publique, la Cour européenne a répondu que « Les articles 34 et 36 Traité Fonctionnement de l’Union Européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale interdisant la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection de la santé publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint ».

Dans le même temps, une Mission d’information commune vient de publier son rapport se référant aussi à cette décision et demandant au législateur de « supprimer la mention « fibres et graines » figurant à l’article 1er de l’arrêté du 22 août 1990 et inscrire expressément l’autorisation de la culture, de l’importation, de l’exportation et de l’utilisation de toutes les parties de la plante de chanvre à des fins industrielles et commerciales, y compris la fleur ;

Dans sa proposition n°12 de « renoncer définitivement au maintien du seuil de 0 % de THC dans les produits finis et intégrer au plus vite dans la réglementation nationale des seuils de THC spécifiques à chaque catégorie de produit fini susceptible de contenir du CBD (denrées alimentaires, e-liquides, cosmétiques), ces seuils ayant vocation à être définis à partir de doses de toxicité estimées par l’ANSES ;

Dans sa proposition n°13 de « définir un seuil pertinent, situé entre 0,6 % et 1 %, de THC autorisé dans les cultures de chanvre en France, accompagné d’un taux dérogatoire de 1 % pour les territoires Outre-mer ». 

Quelle publicité, pour quels produits ?

Pour les produits cosmétiques, les propriétés du CBD pour leurs vertus protectrices et anti-oxydantes viennent d’être reconnues au niveau européen et le CBD intégré dans la base de données CosIng de la Commission européenne. En France, les produits peuvent être commercialisés librement, pour l’heure, avec un taux de THC de 0 %.

Pour les compléments alimentaires tout comme les denrées alimentaires, tisanes contenant du CBD et pour des allégations bénéfiques pour la santé, le règlement européen 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé trouve à s’appliquer. Pour pouvoir alléguer d’un effet bien-être pour la santé en lien avec la teneur en CBD, il faut pouvoir se prévaloir d’une allégation de santé générique déposée au niveau européen au niveau de l’EFSA. A ce jour, nous n’avons pas connaissance d’allégations de santé relatives au CBD qui aurait été approuvées : donc pas d’allégation créant un lien entre la consommation du produit et la santé.

Pour les fleurs, la question demeure : avec la décision KANAVAPE, les boutiques commercialisant des fleurs ne seront plus inquiétées pour vente de substance illicite. Quant à la publicité, tout dépend de la destination des fleurs : à notre sens si celles-ci sont destinées à être fumées, le Code de la santé publique devrait être modifié pour ajouter aux dispositions sur le tabac et les e-liquide les « fleurs à fumer » et donc comme pour le tabac leurs publicités interdites. Nous déconseillons donc la publicité pour les fleurs.

Quelles allégations ?

Les allégations thérapeutiques ne sont pas envisageables. L’ANSM dans le cadre des essais sur le cannabis thérapeutique pourra les autoriser pour des médicaments, donc soumis aux restrictions applicables à la publicité du médicament. Les essais viennent d’être autorisés par le Ministre de la Santé autour de 5 pathologies.

Les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion entre le cannabis (substance psychotrope) et le CBD et faire ainsi la promotion directe ou indirecte du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant.

Quant à la représentation de la feuille, dans la mesure où sa représentation n’a pas pour objet d’entretenir une ambiguïté avec le cannabis psychoactif, il nous paraît possible de pouvoir la représenter afin d’illustrer la plante utilisée. Il en va de même si la feuille est présente sur le conditionnement du produit comme par exemple un étui pour un produit cosmétique à base de CBD.

N’hésitez pas à consulter les juristes conseils de l’ARPP pour toute question ou projets relatifs à ce sujet.

[1] A lire notamment dans le RAPPORT D’ÉTAPE sur le chanvre « bien-être » établi par la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis présidée par M. Robin REDA et présenté par M. Jean-Baptiste MOREAU, Rapporteur général, M. Ludovic MENDES, Rapporteur thématique

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