Après 30 ans d’application de la Loi « Evin », les jeux publicitaires et l’alcool font-ils bon ménage ?

Rappelons que la Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme – dite « EVIN » du nom du Ministre des affaires sociales et de la solidarité de l’époque -, est donc entrée en vigueur en janvier 1991. Ses dispositions, aujourd’hui intégrées dans le Code de la Santé publique, encadrent la publicité au profit des boissons alcooliques avec deux séries de contraintes :

  • une liste limitative de supports autorisés définis par l’article L3323-2 du code précité,
  • une liste limitative de mentions autorisées énoncées par l’article L3323-4 du même code.

Certes, aucune des mentions autorisées ne prévoit explicitement le principe des jeux et loteries publicitaires. La Recommandation « Alcool » de l’ARPP, qui complète et explicite la loi, précise en son alinéa 1.6 qu’aucune communication commerciale « ne doit associer la consommation de boissons alcoolisées à des situations de chance, d’exploit, d’audace… ».

Toutefois, on peut considérer qu’un jeu publicitaire est acceptable, dès lors que l’article L3323-4 précité autorise les mentions relatives aux modalités de vente, à savoir les formes licites de promotion dont les loteries et jeux publicitaires relèvent.

Des jurisprudences ont d’ailleurs examiné le recours à des opérations de jeux. On peut citer parmi les plus notables les décisions suivantes :

Un jeu disponible sur le site internet d’une marque de whisky proposait dans le cadre d’un parcours initiatique à titre de dotation une bouteille de 40 ans d’âge. La Cour de Cassation a, en 2011, considéré que ce dispositif visait à promouvoir l’image d’excellence de la marque et qu’il excédait les limites de l’objectivité posées par l’article L3323-4 du code de la santé publique. Toutefois, on pouvait en déduire que le principe d’un jeu n’était pas en soi écarté, sous réserve que ce dernier s’inscrive dans les mentions autorisées et que la dotation proposée ne revête pas un caractère incitatif.

En 2012, une ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a examiné la licéité d’une campagne d’une autre marque de whisky mettant en scène un cavalier de la Garde royale britannique avec un quiz accessible sur Facebook. Le jeu, réservé aux majeurs, demeurait axé sur le processus d’élaboration. Aucune dotation sous forme de boisson alcoolique n’était offerte.  Dans ces conditions, l’ordonnance n’avait pas retenu le caractère illicite de cette opération.

Un avis de 2018 rendu par le Jury de Déontologie de la Publicité, après une procédure de révision, s’est prononcé sur un jeu organisé sur la page Facebook des rhums Neisson. Cet avis a notamment précisé que le principe d’un tel jeu publicitaire ne s’opposait pas au point 1-6 de la Recommandation précitée, dès lors qu’il respectait les mentions autorisées par l’article L3323-4 du code de la Santé publique.

En 2019, le Tribunal de Grande instance de Paris a considéré qu’une campagne diffusée par un distributeur sur son site internet et ses dépliants avec un pack de bière et un ballon de football, associés à un jeu avec des dotations voyages et à une réduction de prix de 40 %, excédait donc les mentions autorisées.

Par ailleurs, plus récemment, soulignons que la Cour d’Appel de Paris a, dans un arrêt du 20 décembre 2020, examiné un dispositif de publicité, diffusé en presse et sur le site internet du titre de presse, sur un jeu concours intitulé « Champagne à vie » organisé au profit d’un casino et reproduisant deux coupes de Champagne dont la marque était citée. La Cour a estimé que ces publicités destinées à promouvoir un établissement de jeux d’argent avec une présentation incitative à la consommation d’alcool excédaient donc les dispositions des articles L3323-2 et suivants du code de la Santé publique. Toutefois, relevons que l’association plaignante entendait aussi faire valoir qu’un jeu publicitaire, dont la dotation porte sur du « Champagne à vie », ne peut pas constituer un support autorisé tel que le définit l’article L3323-2 du code de la Santé publique. La Cour a, quant à elle, précisé que l’article L3323-2 liste les supports autorisés et non pas la nature de la communication promotionnelle. Pour la Cour, une telle loterie ne peut donc pas être interdite à ce titre.

En conclusion, un jeu publicitaire organisé dans le cadre de la communication publicitaire faite par un producteur ou distributeur d’une boisson alcoolisée qui s’inscrit dans une mention autorisée est sur le principe acceptable, sous réserve que cette communication ne revête pas un caractère incitatif et qu’elle soit diffusée sur des supports autorisés. S’agissant des dotations, rappelons qu’elles doivent être réservées à la consommation d’alcool (comme c’est le cas par exemple des verres) conformément aux dispositions de l’article L3323-2 alinéa 8 du code de la Santé publique.

Bien évidemment, l’ensemble des juristes-conseils de l’ARPP est disponible dans le cadre d’un conseil préalable pour assister nos adhérents et veiller à ce que leurs projets répondent aux dispositions du Code de la Santé publique et de la Recommandation « Alcool » de l’ARPP.

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