Publicité des produits cosmétiques, genèse, valeur et portée d’une Recommandation ARPP

L’essence même du travail de l’ARPP est d’œuvrer en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine dans l’intérêt de tous. Pour ce faire, elle édicte des Recommandations, des règles d’éthique qui ont pour objectif, toujours en accord avec l’interprofession (agences, annonceurs et supports de diffusion), d’encadrer des pratiques, d’expliciter des règles de droit, de prendre acte des attentes du corps social à un moment donné.

Parfois on peut s’interroger sur la position d’une industrie à un moment donné dans un contexte particulier : est-elle toujours en phase avec celle des consommateurs, de leurs représentants ?

Certaines positions pourraient-elles être perçues comme une entrave à la concurrence et l’innovation, allant au détriment de la liberté de choix des consommateurs ?

Tout au contraire. Dans la dernière version de la Recommandation de l’ARPP Produits cosmétiques, l’interprofession s’est contrainte à limiter la référence aux « allégations sans ».  « Sans parabène », « 0 % alcool », « sans sels d’aluminium »… Pourquoi ?  

Parce qu’un règlement de 2009 [1] dans son article 20 faisait état de critères communs applicables à toutes publicités avec mention d’un rapport qui serait remis à la Commission quant à la bonne application de ceux-ci. Que les critères communs ont été définis par un autre Règlement en 2013[2],  ils sont au nombre de 6 (conformité avec la législation, fondement sur des preuves, véracité, sincérité, équité, choix en connaissance de cause)

Le rapport remis à la Commission en 2016, a conclu à une conformité à 90% des allégations cosmétiques aux critères communs. Cependant il a relevé un sort indécis pour des revendications dont « hypoallergénique » et « sans (ingrédients autorisés) » que les autorités de certains Etats considéraient comme dénigrantes, c’est de là qu’un sous-groupe de travail sur ces allégations, a été constitué, et qu’il a donné lieu à un document technique, rendu public en juillet 2017[3]. En France, les participants au groupe, dont les représentants de l’industrie cosmétique, ont souhaité que ce document prenne une place particulière.

Dès lors, quoi de mieux que de faire appel à l’autorégulation publicitaire ? Effectivement depuis 1974, date de création de la première Recommandation “Hygiène et beauté”, c’est le choix que ce secteur d’activité a toujours fait. Bien évidemment pas seul car les agences de communication et les supports sont associés.

La société civile a été associée en amont à la préparation de la règle. Cela se fait par l’intermédiaire du Conseil Paritaire de la Publicité (CPP), qui est une instance de concertation entre professionnels et associations de consommateurs, associée à l’ARPP.

L’avis du CPP est un avis public[4] qui préexiste à la constitution du groupe de travail ad hoc.

Les professionnels réunis en groupe de travail, ont donc ensuite, adopté une version 8 du texte en octobre 2018, il y a un an, et formellement appliquée depuis le 1er juillet 2019.

Que contient-elle ? 

Plusieurs points entérinent des pratiques, clarifient certains points comme l’emploi du terme « hypoallergénique » ou « peau sensible » ou bien encore les tests pratiqués et donc également sur les allégations « sans ».[5]

Ce dernier point suscite des réactions dans les médias : pourquoi les industriels priveraient-ils les consommateurs de l’information sur l’absence d’un ou plusieurs ingrédients ?

Clairement, l’intention est de (re)venir à une communication axée sur ce que contient le produit plutôt que sur les ingrédients qu’il n’y a pas car beaucoup d’allégations « sans » n’éclairent pas les consommateurs sur la composition du produit et jouent sur la crainte que certains termes, substances aux noms barbares, peuvent susciter dans l’esprit du public.

Pour être acceptable, elle ne doit jamais être un argument principal et apporter une information complémentaire aux consommateurs ou à un groupe d’entre eux, respecter les critères communs et l’esprit du document technique.

Dès lors, ce qui n’est pas véridique comme « sans hydroquinone » n’est pas possible car ce composant n’est pas autorisé dans les produits cosmétiques, « sans conservateurs » ne se justifie pas car des composants qui ne sont pas qualifiés de conservateurs, jouent ce rôle.

L’allégation « Sans parabènes » est considérée comme dénigrante, contraire au principe d’équité ce qui contribue décrédibiliser ces ingrédients. Seuls 4 parabènes restent utilisables. Clairement qu’est-ce qui va remplacer ces conservateurs ? que met-on à la place ? les autres ingrédients jouent-ils bien ce rôle ? finalement c’est autant de questions que les industriels se posent et autant de recherches sur ces questions.

Ensuite, seule l’allégation « sans » déterminante et ayant un impact direct pour un groupe de consommateurs peut être utilisée. C’est le cas par exemple de « sans alcool » pour un bain de bouche familial, c’est aussi le cas de « sans dérivés d’origine animales » pour un les personnes ayant un régime végan ou bien encore « sans acétone » pour un dissolvant car l’odeur est gênante et que les sens sont directement perturbés.

Alors, la Recommandation encadre cet usage du discours « sans » pour que les communications s’intéressent aux performances du produit, à leur innovation technique et limite la course aux allégations « faciles. » C’est le choix de l’interprofession, c’est le choix de l’autorégulation. La règle n’est pas contraignante, non assortie de sanction, mais si elle est suivie par la majorité, elle devient la norme d’un secteur, la norme de l’interprofession.

Après 3 mois d’application, dans le cadre des conseils, ou des avis, la règle semble bien comprise et acceptée. Il faut dire que depuis 6 mois, l’ARPP réalise une pédagogie dans le cadre des formations qu’elle délivre ou encore à travers sa motion design Produits cosmétiques.

[1] RÈGLEMENT (CE) No 1223/2009 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques

[2] RÈGLEMENT (UE) No 655/2013 DE LA COMMISSION du 10 juillet 2013

[3] https://ec.europa.eu/docsroom/documents/24847

[4] https://www.cpp-pub.org/avis/avis-du-cpp-produits-cosmetiques/

[5] https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie/recommandation-produits-cosmetiques-v8/

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