CBD, l’histoire chaotique de cette molécule bien-être se poursuit. 1 an après la publication de notre article : quelles avancées ?

 

1 an après la publication de notre article : quelles avancées ?

L’ARPP, souvent interrogée par ses membres dans le cadre du conseil avant diffusion, souhaite faire le pont sur les produits à base de CBD et leur possibilité de faire de la publicité.

Le CBD et ses usages

CBD est l’abréviation du terme « cannabidiol ». Cette molécule fait partie des nombreux cannabinoïdes présents dans le chanvre, aussi appelé cannabis. A l’inverse de l’actif le plus connu de la plante, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), le CBD « est une autre molécule du chanvre qui n’a pas d’effet stupéfiant », précise au Monde Fanny Huboux, chargée de mission juridique pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).[1]

Cette molécule, qui peut être facilement extraite de la plante selon des procédés éprouvés, procure des effets relaxants distincts de ceux du THC, cannabinoïde euphorisant et addictif. Elle peut être intégrée dans divers produits de consommation courante (aliments, cosmétiques, huiles, e-liquides, etc.)[2].

Les marques de cosmétiques proposant des soins à base de CBD fleurissent, certaines marques en ont fait leur ADN[3]. Récemment, un célèbre pâtissier a même réalisé un gâteau à base de CBD[4].

 

La réglementation et la jurisprudence

Le chanvre indien, dont la teneur en substance psychoactive (Tétrahydrocannabinol) est élevée est illégal en France.

L’article R.5132-86 du code de la santé publique interdit « la production, la mise sur le marché, l’emploi et l’usage :

1° Du cannabis, de sa plante et de sa résine, des préparations qui en contiennent ou de celles qui sont obtenues à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ;

2° Des tétrahydrocannabinols, à l’exception du delta 9-tétrahydrocannabinol de synthèse, de leurs esters, éthers, sels ainsi que des sels des dérivés précités et de leurs préparations ».

Le chanvre dit textile, dont les taux en substance psychoactive sont négligeables (moins de 0,2 de THC), mais dont la teneur en cannabidiol (CBD) molécule aux propriétés thérapeutiques est plus ou moins élevée, est en revanche légal.

En effet, un arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R.5132-86 du code de la santé publique pour le cannabis, dispose dans son article 1er que : « sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L. répondant aux critères suivants :       

  • la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol de ces variétés n’est pas supérieure à 0,20 %
  • la détermination de la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol et la prise d’échantillons en vue de cette détermination sont effectuées selon la méthode communautaire prévue en annexe»

L’arrêté n’autorise que la commercialisation des fibres et des graines de la variété de la plante sativa dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,2 %.

Or le CBD de la plante, celui qui est utilisé dans les différents produits, est issu de ses sommités florales et de ses feuilles. C’est ici que les difficultés commencent : la France 1er productrice de chanvre en Europe (notamment pour l’isolation), ne peut utiliser les fleurs ou les feuilles de la plante. Celles-ci étant vouées à être détruites.

Vendre une fleur contenant un taux de THC inférieur à 0,2 % est interdite.

Les produits bases de CBD importent la molécule extraite des autres pays européens pour réaliser leur préparation et commercialise ensuite les produits en France.

Par un Arrêt KANAVAPE du 19 novembre 2020, lequel a été rendu à la suite d’une question Prioritaire de constitutionnalité posée par la Cour d’Appel d’Aix demandant à la CJUE de se prononcer sur le point de savoir si la France pouvait continuer à interdire la commercialisation de e-liquide à base de CBD au motif de santé publique, la Cour Européenne a répondu que « Les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale interdisant la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de la protection de la santé publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint ».

Dans le même temps, une Mission d’information commune a publié son rapport se référant aussi à cette décision et demandant au législateur de « supprimer la mention « fibres et graines » figurant à l’article 1er de l’arrêté du 22 août 1990 et inscrire expressément l’autorisation de la culture, de l’importation, de l’exportation et de l’utilisation de toutes les parties de la plante de chanvre à des fins industrielles et commerciales, y compris la fleur ; » dans sa proposition n° 12 de « renoncer définitivement au maintien du seuil de 0 % de THC dans les produits finis et intégrer au plus vite dans la réglementation nationale des seuils de THC spécifiques à chaque catégorie de produit fini susceptible de contenir du CBD (denrées alimentaires, e-liquides, cosmétiques), ces seuils ayant vocation à être définis à partir de doses de toxicité estimées par l’ANSES ; » dans sa proposition n° 13 de « définir un seuil pertinent, situé entre 0,6 % et 1 %, de THC autorisé dans les cultures de chanvre en France, accompagné d’un taux dérogatoire de 1 % pour les territoires ».

Le 30 décembre 2021, le nouvel arrêté modifiant l’article R. 5132-86 du code de la santé publique relatif à la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L a été publié au Journal Officiel.

L’arrêté prévoyait l’autorisation à la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L., dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n’est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. La détermination de la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol des variétés précitées et la prise d’échantillons en vue de cette détermination sont effectuées selon la méthode prévue en annexe. Puis au II. « Les fleurs et les feuilles des variétés mentionnées au I ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. Sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation. »

  • La teneur des plantes et des produits qui sont issus de la culture des plants autorisés passe désormais à 0,3 % de THC.

Sur la seconde partie de l’article, prévoyant que les fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, sont interdites à la vente et à la consommation, un référé-liberté a été déposé auprès du Conseil d’Etat par plusieurs requérants dont l’Union des Professionnels du CBD.

Le Conseil d’Etat par une ordonnance du 24 janvier 2022 leur a donné droit, indiquant notamment qu’ « il ne résulte pas de l’instruction, à la date de la présente ordonnance, que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n’est pas supérieure à 0,30 % revêtiraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs et de leur consommation » … « Dès lors, en cet état de l’instruction, le moyen tiré de ce que la mesure d’interdiction générale et absolue prise présente un caractère disproportionné est de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité ».

Concluant ainsi que « les requérants sont fondés à demander la suspension des seules dispositions du premier alinéa du II de l’article 1er de l’arrêté du 30 décembre 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacun des requérants, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ».

Ainsi l’arrêté est suspendu, les professionnels peuvent continuer à vendre des fleurs et des feuilles de CBD.

Quelle publicité, pour quels produits ?

Pour les produits cosmétiques, les propriétés du CBD pour leurs vertus protectrices et anti-oxydantes viennent d’être reconnues au niveau européen et le CBD intégré dans la base de données CosIng de la Commission européenne. En France, les produits peuvent être commercialisées librement, pour l’heure, avec un taux de THC de 0 %.

Pour les compléments alimentaires tout comme les denrées alimentaires, tisanes contenant du CBD et pour des allégations bénéfiques pour la santé, le règlement européen 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé trouve à s’appliquer. Pour pouvoir alléguer d’un effet bien-être pour la santé en lien avec la teneur en CBD, il faut pouvoir se prévaloir d’une allégation de santé générique déposée au niveau européen au niveau de l’EFSA. A ce jour, nous n’avons pas connaissance d’allégations de santé relatives au CBD qui aurait été déposées. Donc pas d’allégation créant un lien entre la consommation du produit contenant spécifiquement du CBD et la santé.

Pour les fleurs, les boutiques commercialisant des fleurs ne seront plus inquiétées pour vente de substance illicite. Quant à la publicité, tout dépend de la destination des fleurs : si celles-ci sont destinées à être fumées le code de la santé publique devrait être modifié pour ajouter aux dispositions sur le tabac et les e-liquide les « fleurs à fumer » et donc comme pour le tabac leur publicités interdites.

Si celles-ci sont destinées à être utilisés sous forme de tisane ou d’infusion seules ou en mélange avec d’autres plantes, la publicité est pour l’heure possible, le Conseil d’Etat ayant considéré que l’interdiction générale était manifestement disproportionnée.

Quelles allégations ?

Les allégations thérapeutiques ne sont pas envisageables. L’ANSM dans le cadre des essais sur le cannabis thérapeutique pourra les autoriser pour des médicaments. Les essais ayant été autorisées par le Ministre de la Santé autour de 5 pathologies.

Les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion entre le cannabis (substance psychotrope) et le CBD et faire ainsi la promotion directe ou indirecte du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant.

Quant à la représentation de la feuille et des fleurs, dans la mesure où leur représentation n’a pas pour objet d’entretenir une ambiguïté avec le cannabis récréatif, il nous paraît possible de pouvoir la représenter afin d’illustrer la plante utilisée. Il en va de même si la feuille est présente sur le conditionnement du produit comme par exemple un étui pour un produit cosmétique à base CBD.

Et les dénominations d’enseignes ? Le choix du nom de marque peut être parfois ambigu flirtant avec des références ou des codes proches de ceux pouvant être utilisés pour le cannabis psychotrope. Le dépôt et la validation par l’INPI de la dénomination sont autant de critères que l’ARPP prend en compte.

N’hésitez pas à consulter les juristes conseils de l’ARPP pour toute question ou projets relatifs à ce sujet.

[1] « Comprendre ce qu’est le cannabidiol (CBD) et le débat qui l’entoure » Le Monde, Delphine Bernard-Bruls Publié le 18 juin 2018

[2] A lire notamment sur RAPPORT D’ÉTAPE sur le chanvre « bien-être » ÉTABLI PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE (1) sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis PRÉSIDÉE PAR M. Robin REDA Président ET PRÉSENTÉ PAR M. JEAN-BAPTISTE MOREAU Rapporteur général M. LUDOVIC MENDES Rapporteur thématique

[3] https://hokaran.com/pages/projet

[4] https://www.vanityfair.fr/actualites/articles/le-patissier-star-philippe-conticini-devoile-un-gateau-au-cbd/81651

 

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