Si l’intelligence artificielle, depuis son apparition dans nos sociétés modernes, suscite des fantasmes et des inquiétudes (emploi, surveillance…), à l’ARPP elle est avant tout considérée comme une opportunité de se défaire de tâches à faible valeur ajoutée. Et c’est ainsi que nous l’utilisons…
L’introduction progressive de l’IA dans nos missions et processus opérationnels découle en partie d’ateliers animés par l’ARPP à l’École des Mines avec l’industrie publicitaire. Ces travaux ont permis de s’interroger sur la manière dont nos métiers pouvaient tirer profit de l’IA et comment envisager l’avenir de la régulation professionnelle des contenus publicitaires.
Différents travaux et projets ont été lancés sur cette base, tout d’abord l’automatisation de l’Observatoire relatif à la représentation féminine et masculine dans les publicités télévisées (lancé en 2016). Aujourd’hui, nous disposons de modèles de classification entrainés à identifier les genres, les classes d’âge et la voix qui tournent sur l’intégralité de la production publicitaire télévisée et SMAd que nous validons au quotidien.
C’est à l’occasion d’un atelier avec l’industrie publicitaire digitale (regroupant adtech, éditeurs, régies, plateformes…) en avril 2019 qu’un champ d’exploration fut identifié : celui du contrôle du respect des règles pour la publicité programmatique.
Suite à la publication d’un appel à déclaration d’intérêt, fin 2019, l’ARPP a sélectionné l’offre de Sicara, une entreprise française spécialisée dans la computer vision (à savoir la détection et classification automatique des contenus audiovisuels grâce aux réseaux de neurones profonds).
Et c’est pendant le confinement que fut développé INVENIO !
Un MVP – Produit Minimum Viable – créé en seulement 7 semaines. 7 semaines de sprints (itérations), de scrum meetings (réunions périodiques), de back-logs (priorisation des besoins) et autres joyeux anglicismes caractéristiques de la méthode AGILE.
Aujourd’hui en production, cet outil permet la détection automatique de suspicions de manquement dans la publicité digitale au format Display.
Le prototype se concentre à ce jour sur un périmètre défini :
- la santé (les allégations thérapeutiques trompeuses) et
- les produits financiers interdits,
en analysant le texte et l’image.
Le domaine de la santé fut l’un des premiers champs d’intervention car il s’agissait du premier motif d’intervention dans le cadre de l’Observatoire des pratiques publicitaires digitales (et pour lequel les manquements demeurent les plus évidents, mais aussi les plus problématiques. Ils exposent les consommateurs à des risques sérieux (auto-médication, perte de chance de bénéficier d’un traitement médical adapté…) et sont susceptibles de ternir l’image des marques-media, qui voient leurs contenus rédactionnels associés à des publicités aux formulations racoleuses, exploitant le sentiment de peur des lecteurs (références à des pathologies graves, visuels d’organes, produits miracles).
Il s’agissait donc de manquements pour lesquels une intervention rapide était nécessaire.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
L’outil « remonte » des contenus publicitaires sur un tableau de bord qui permet à un juriste-conseil de l’ARPP de filtrer les suspicions de manquements (par type, par éditeur, par régie…), de valider ou non le manquement à la suite d’analyses et de le qualifier, améliorant ainsi la précision des algorithmes. Le manquement est ensuite signalé aux acteurs concernés, lesquels bénéficient d’un accompagnement dans le processus de mise en conformité des campagnes programmatiques.
Avec l’automatisation des tâches permises par INVENIO, nous avons économisé un tiers du temps consacré à l’Observatoire des pratiques publicitaires digitales.
Assurément, l’IA constitue une opportunité grandissante pour les systèmes d’autorégulation européens (qui collaborent étroitement aujourd’hui sur ce sujet), en particulier concernant la publicité digitale, comme le rappelle Mohamed Mansouri, Directeur délégué de l’ARPP, dans ce podcast .