Partout dans le monde, l’exploitation des films dans les salles de cinéma ainsi que les tournages sont à l’arrêt : Hollywood shutdown![1] (Hollywood fermé). Pendant ce temps, les services de vidéo en ligne par abonnement (Subscription Video on Demand, SVOD), les locations de vidéos à la demande ont vu le nombre d’achats et d’abonnés croître durant ces 9 dernières semaines[2]. Les nouveaux entrants ont connu un lancement réussi.
Afin de pouvoir exploiter des films cinématographiques sur d’autres supports, il y a cependant des règles bien précises à respecter. C’est un arrêté du 25 janvier 2019 portant extension de l’accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 6 septembre 2018 ensemble son avenant du 21 décembre 2018, qui définit les conditions d’exploitation. Le point de départ de la chronologie des médias est la date de sortie en salles des spectaclescinématographiques.
Un peu d’histoire : c’est avec l’arrivée de la télévision représentant une forte concurrence pour les salles de cinéma, que cette notion de chronologie des médias, d’abord sous forme d’accord tacite, s’est mise en place ; et c’est en 1980 avec l’arrivée des vidéogrammes privés qu’elle s’est formalisée.
Actuellement, l’article L.231-1 du Code du cinéma et de l’image animée précise qu’un film peut faire l’objet d’une exploitation sous forme de vidéogrammes (physique ou en vidéo à la demande) destinés à la vente ou à la location pour l’usage privé du public à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la date de sa sortie en salles de spectacles cinématographiques, pouvant être réduit au plus à trois mois en fonction des entrées réalisées (moins de 100 000 après 4 semaines d’exploitation).
Ce délai est de huit mois (pouvant être réduit à 6 mois), pour la télévision payante de cinéma ayant signé un accord avec les organisations professionnelles du cinéma (Canal + ou OCS) – dit de première fenêtre -, puis de 17 mois (réduit à 15) en deuxième fenêtre payante pour un service d’exploitation par un service de télévision de cinéma. Ce même délai de 17 mois à compter de la date de sortie en salles, s’applique à un service de vidéo à la demande par abonnement, lorsqu’il a conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma se traduisant en des engagements stricts de financements de la création française. S’il y a accord professionnel, mais pas en termes de financements, le délai sera alors de 30 mois (ou 28) et pour les plateformes d’origine américaine (Amazon, Disney+, Netflix), à date, le délai reste encore de 36 mois (ou 34). Enfin, pour la vidéo à la demande gratuite, financée essentiellement par la publicité (p.e. Rakuten TV), ce délai est de 44 mois (42 mois).
Quid de la diffusion de la publicité ? Elle obéit dans cette logique également à la règle de la chronologie des médias pour une diffusion sur les chaînes de télévision. C’est pourquoi, il n’est pas possible en application de l’article 8 du décret du 27 mars 1992 sur les chaines linéaires (il existe une exception pour les chaines payantes cinéma et, depuis 2010, les SMAd) de promouvoir un film exploité dans les salles de cinéma et ce, pendant au minimum, cette période de 4 mois (ou 3 mois après dérogation du Président du CNC). Passé ce délai, la promotion pour les services accessibles en VOD (Vidéo à la demande) est possible.
D’autres règles existent : durant la période d’exploitation d’un film en salles, aucune publicité pour des produits dérivés (figurines, bande sonore…) n’est possible. L’ARPP, dans le cadre de sa mission d’avis avant diffusion veille à l’application de ces règles.
Quid du contenu de la publicité ? Après s’être assuré du respect de la chronologie des médias, le contenu publicitaire obéit lui à un certain nombre de règles et principes déontologiques. Aucun extrait de films faisant référence à des secteurs interdits comme l’alcool, le tabac, les produits stupéfiants ne peut être exploité dans les spots publicitaires. Pour le reste, la publicité est considérée comme le prolongement de l’œuvre cinématographique : le scénario, le jeu d’acteurs, les répliques devant être préservés ; ainsi par exemple, pas d’application de la Recommandation ARPP « Automobile » ou « Deux roues à moteur » à une scène de course poursuite, ni de la Recommandation ARPP « Comportements alimentaires » pour une scène de consommation excessive ou bien encore de la Recommandation ARPP « Comportements alimentaires » pour une scène dans laquelle l’autorité d’un adulte est remise en question.
Cependant, il faut respecter la classification du CNC lors de la délivrance du visa d’exploitation en salles. En effet, certains films peuvent être interdits aux moins de 12 ans ou de 16 ans par exemple. Conséquence : une mention lisible doit figurer dans la publicité et des horaires de diffusion adaptés sont prévus en conséquence par les diffuseurs et les services de médias audiovisuels à la demande.
Quid de la situation actuelle ? Si certains distributeurs optent finalement pour un lancement de leurs films programmés pour la salle – Bloodshot, Forte, L’extraordinaire Mr Rogers, Pinocchio – en exclusivité sur les plateformes de VOD en ligne, la plupart des « blockbusters » retardent leur sortie en salles. L’article 17 de loi d’urgence du 23 mars 2020 permet au CNC désormais d’accorder, à titre exceptionnel, une réduction du délai d’exploitation en salles pour une diffusion en vidéo à la demande à l’acte ou pour une exploitation en DVD des films déjà sortis à la date du 14 mars dernier. C’est dans ce cadre que 45 films ont déjà bénéficié d’une autorisation de diffusion anticipée ce qui a permis à coup sûr d’égayer le confinement, tout en assurant la continuité de certains revenus à toute la chaîne, à l’exception des salles restant fermées.
N’hésitez pas à solliciter les juristes-conseils de l’ARPP dans le cadre du conseil avant diffusion, toujours à distance mais avec la même réactivité.
[1] Vanity Fair magazine n°79 mai 2020 article Hollywood shutdown P.51
[2] https://www.francetvinfo.fr/culture/series/netflix/coronavirus-netflix-gagne-un-nombre-d-abonnes-record-pendant-le-confinement_3928617.html