Le 1er octobre 1968, la première chaîne de l’ORTF diffusait en N&B le premier écran publicitaire télévisé en France. Cette ouverture à la publicité de marques, qui s’est faite après plusieurs années d’atermoiements et de débats, est un véritable tournant pour le marché publicitaire en France, jusque-là réservé exclusivement aux supports imprimés, aux radios privées (dites « périphériques », car émettant hors de France) et au cinéma. Mais cette libéralisation, dans le cadre du monopole d’Etat de l’audiovisuel, se voit immédiatement dotée de garde-fous : à l’instar des programmes diffusés – le conducteur du journal télévisé est par exemple encore soumis au Ministère de l’information – avec la création de la Régie Française de Publicité (RFP), société anonyme détenue à 51 % par l’ORTF pour la gestion de la publicité radio-télévisée publique, est constituée en son sein, une Commission de visionnage préalable des spots publicitaires à laquelle l’ARPP (le BVP à l’époque) sera associée dès l’origine. Une participation de l’autorégulation (créée depuis 1935), qui n’allait pas toujours de soi.Il y a cinquante ans, les Français découvraient les premiers spots publicitaires télévisés. Cinq films, signés des annonceurs Régilait (lait), Bel (tricots), Boursin (fromage), Schneider (téléviseurs) et Virlux (beurre) étaient ainsi diffusés à 19h56, avant le journal télévisé, rendez-vous quotidien incontournable des téléspectateurs. Deux premières minutes de publicité par jour, volontairement restreintes, qui peuvent faire sourire si l’on regarde le marché publicitaire télévisé actuel de 3 286 millions d’euros de recettes en 2017[1].
La liberté de communication des annonceurs est, à l’époque, toute relative puisque seuls les secteurs autorisés de l’alimentaire, du textile, de l’habillement et les produits bruns peuvent communiquer en télévision. Ceux-ci doivent également obtenir le visa positif d’une commission consultative de visionnage de la RFP (Régie Française de Publicité), qui gère les espaces des trois chaînes de télévision et des quatre chaînes de radio du service public. Rappelons également qu’à l’époque, les chaînes de télévision et de radio demeurent sous la tutelle complète de l’Etat qui, avec l’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Français), autorise et gère la production audiovisuelle. C’est dans de contexte de liberté très surveillée que le BVP, qui se transformera en ARPP il y a 10 ans, obtient un siège à la commission de visionnage de la RFP aux côtés de représentants de la profession et de différents ministères.
Pour le BVP, une marque de reconnaissance publique teintée de critiques
Mais cette nouvelle implication du BVP dans le processus de régulation de la publicité était loin d’être évidente dans la société française des années 1960, où l’Etat planifie de nombreux pans de l’économie française, dont la publicité (p.e. Havas sera privatisé en 1986) et qui voit la structuration du mouvement consumériste (l’Institut National de la Consommation (INC) a été créé en 1967, fournissant entre autres un appui technique aux associations de consommateurs agréées par les Pouvoirs publics). Avec l’entrée dans l’âge adulte de la génération nombreuse d’après-guerre, la société de consommation, et particulièrement la publicité, accusée de manipuler, de créer des faux besoins et de véhiculer des clichés, étaient alors la cible prioritaire de leurs critiques.
Le BVP, Bureau de Vérification de la Publicité, succédant le 20 août 1953 à l’Office de Contrôle des Annonces (1935), et repensé pour prendre en compte ce scepticisme naissant voit, dès le départ, ses recommandations faire l’objet de vives critiques et se retrouve pris en tenaille par des publicitaires, d’une part, qui contestent la légitimité des avis rendus, et par les associations de consommateurs, d’autre part, qui lui reprochent son indulgence à l’égard des publicitaires[2]. Ces dernières seront parties prenantes d’une Commission de concertation à la fin des années 1970, refondée en 2008 dans le dispositif d’instances associées : le Conseil Paritaire de la Publicité (www.cpp-pub.org). Finalement, l’ensemble des professionnels s’accorderont pour que le BVP soit associé à l’examen préalable et systématique des messages publicitaires télévisés. Un acte de confiance qui sera parachevé par accord interprofessionnel (AACC, SNPTV, UDA) de 1990, quand le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), chargé du contrôle des programmes et des émissions publicitaires, reprenant les missions de la CNCL (Commission Nationale de la Communication et des Libertés)[3], qui l’a précédé, issue de la loi de 1986 toujours applicable, abandonnera l’intégralité du contrôle préalable des messages publicitaires au BVP, y compris jusqu’à l’obligation de déclaration des messages diffusés qui subsistera encore jusqu’au 15 février 1993[4].
[1] https://www.snptv.org/wp-content/uploads/2018/03/BUMP-Le-march%C3%A9-publicitaire-en-2017.pdf
[2] Avis à la pub, p. 38, sous la direction de Dominique Wolton, 2015.
[3] Décision n° 87-30 du 17 avril 1987 relative à l’exercice des compétences de la CNCL en ce qui concerne les émissions publicitaires diffusées ou distribuées par les sociétés nationales de programme et par les titulaires d’autorisations de services de télévision
[4] Décision n° 92-1133 du 22 décembre 1992 relative à l’exercice du contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur les messages publicitaires diffusés par les sociétés de radio et de télévision